Ouvrages d’auteurs

Couverture du livre de Leïla Sebbar Mon cher fils aux éditions Elyzad
Photo de couverture: Yves Jeanmougin

Leïla Sebbar
Mon cher fils
Elyzad, 2009

Un vieil homme, ouvrier chez Renault, revient vivre à Alger après trente ans passés dans l’usine-forteresse de Boulogne-Billancourt, l’île Seguin. Il vit seul, dans une petite maison aux volets verts, face à la mer. Il a eu sept filles et un fils dont il est sans nouvelles depuis longtemps et à qui il n’a jamais réussi à parler. Avec la complicité de la jeune Alma, écrivain pubic à la Grande Poste, il lui écrit, il tente de lui écrire.

Un roman sur les silences de l’histoire, du roman familial dans l’exil, le silence qui sépare un père de son fils.


Couverture du livre de Leïla Sebbar Voyage en Algéries autour de ma chambre aux éditions Bleu autour

Leïla Sebbar
Voyage en Algéries autour de ma chambre
Abécédaire

Bleu autour, 2008

Un abécédaire intime et politique: Abeille Aflou Amboise Bordel Colon Conquête Heidi Instituteur Librairie Marabout Peugeot Port-Say Sherazade Singer Tati Ténès… Une perception singulière de la colonisation et du couple Algérie-France. Un abécédaire autobiographique et collectif, avec les textes manuscrits des compagnes et compagnons de Leïla Sebbar sur ses routes algériennes. Un abécédaire érudit, léger, ironique et grave, pointilliste, excentrique… La fabrique, par le texte et l’image, d’une tribu mythologique d’Orient en Occident.

Marseille

Pour le livre du photographe Yves Jeanmougin Marseille/Marseilles, j'avais écrit une nouvelle, « La Chambre ». La photographie: une vieille femme assise dans une pièce, seule, face à elle un panneau épinglé, je crois, de photos de famille, pas seulement, et aussi un gros réveil. J'ai vu une Arménienne de Marseille qui attend son petit-fils, il arrive de Québec. On sonne à la porte, c'est lui.

De belles photos de Marseille, les quartiers Nord, une sensibilité rare du noir et blanc pour prendre et surprendre la vie quotidienne de l'exil, des exils. Nicole Chagny, l'amie d'enfance de Sidi-Bel-Abbès (son frère, Paul Chagny, m'a inspiré le fils du colon dans la nouvelle « Elles font le boulevard »), m'avait offert l'hospitalité, j'étais allée à Marseille pour la publication du livre. Une ville que je ne vois pas, malgré la mer, les collines, les calanques… Comme je ne vois pas Alger chaque fois que j'y vais. J'ignorais alors que la famille maternelle de Yves Jeanmougin était implantée en Algérie depuis trois générations. Il est né au Maroc (Casablanca). Yves a fait un voyage en Algérie sur les traces du poète Jean Sénac, depuis Béni Saf jusqu'à Alger où il a été assassiné (on pense à Pasolini).

J'ai écrit un texte, « Frères de sang », pour le livre de Yves Algériens, frères de sang - Jean Sénac, lieux de mémoire. Sénac est un homme qui crie et qui écrit parce qu'on ne l'aime pas. Est-ce que l'Algérie l'a aimé? On avait bavardé au Sélect à Paris et j'avais demandé à Yves des photographies de Marseille et d'Alger. De sa famille aussi. On voit Alger à Marseille et la France en Algérie. On voit Madame B. cherchant désespérément la tombe de son père dans le cimetière juif d'Alger. Aujourd'hui, des sortes de pèlerinages s'organisent vers les lieux de l'enfance algérienne, la rue, la maison, l'école, le jardin et le cimetière. Patrick Chemla, un ami psychiatre à Reims, est revenu de Bône, sa ville natale, bouleversé: le cimetière juif a été profané, saccagé, c'est un champ d'os et de pierres où jouent des enfants.


Couverture du livre de Salim Jay Portrait du géniteur en poète officiel aux éditions de La Différence
Photo de couverture: Yves Jeanmougin

Salim Jay
Portrait du géniteur en poète officiel
La Différence, 2008

Salim Jay passe à Paris les six premières années de son existence. Il grandit ensuite à Rabat où il est élève au lycée Descartes. Quand la littérature a-t-elle pris toute la place dans sa vie? « Sans doute est-ce le jour où j’ai entendu pour la première fois mon père réciter l’un de ses propres poèmes. »

Dans Portrait du géniteur en poète officiel, publié pour la première fois en 1985 et salué par Mohammed Dib, Henri Thomas et Jacques Serguine, Salim Jay surprend par sa verve et sa violence. Mais au-delà du dégoût et de la tendresse qu’il ranime, il y a un besoin éperdu du pays incarné par le père, le Maroc, et un terrain commun: la littérature.


Couverture du livre Marseille, porte Sud aux éditions de La Découverte

Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Ahmed Boubeker, Éric Deroo
Frontière d’empire, du Nord à l’Est
Soldats coloniaux et immigrations des Suds

La Découverte, 2008

Les régions Nord-Pas-de-Calais, Lorraine, Alsace, Picardie, Champagne-Ardenne et Franche-Comté, de Lille à Strasbourg, ont tissé une relation unique avec les voyageurs, travailleurs, artistes, soldats, réfugiés, rapatriés et « sans-papiers » venus des Suds.

Depuis le dernier tiers du XIXe siècle, le Nord-Est est une véritable frontière d’empire qui reçoit plus d’un million de combattants et travailleurs coloniaux lors des trois conflits qui opposent la France à l’Allemagne. Parallèlement, des dizaines d’expositions coloniales et ethnographiques contribuent à la formation d’une culture coloniale et accompagnent un premier flux d’originaires des colonies vers la métropole, notamment dans les mines du Nord.

Durant tout le XXe siècle, venus des quatre coins de l’empire et du monde, recrutés et dockers chinois, soldats et étudiants d’Afrique noire, combattants, travailleurs et militants du Maghreb, migrants et ouvriers turcs, mobilisés indochinois et rapatriés vietnamiens ou d’Algérie, militants et enfants des deuxième et troisième générations, passent ou se fixent dans ces régions…

Ce livre raconte leurs parcours et s’attache également au regard posé sur ces centaines de milliers de migrants, aujourd’hui composante importante de la société locale. À travers des images exceptionnelles et inédites, c’est l’histoire « aux confins d’un empire » qui se révèle ici. Histoire longue, complexe et étonnante, toujours en mouvement, constitutive en partie des mémoires et des identités locales.


Couverture du livre Marseille, porte Sud aux éditions de La Découverte

Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch
Marseille, porte Sud
Un siècle d'histoire coloniale et d'immigration
La Découverte, 2005

C’est un siècle d’histoire, aux mille et une facettes, que l’on découvre dans ce livre. À travers des centaines d’images rassemblées ici, on a le sentiment que Marseille a été, et reste, cette ville ouverte sur les cultures du monde : une « ville cosmopolite » sans équivalent en Europe. Cet « album de famille » est aussi un voyage dans la mémoire d’une ville où s’est écrit une page essentielle de l’histoire de France.

Le Marseille d’Yves Jeanmougin

Depuis vingt-cinq ans, le photographe Yves Jeanmougin porte un regard sur Marseille qui constitue une des « collections imagières » les plus originales sur la cité des Suds. Ancien photographe de l’agence Viva, il rejoint ensuite l’agence Rapho et s’installe comme artiste-résident à la Friche la Belle de Mai. Depuis une dizaine d’années, ses photographies ont été publiées dans plusieurs ouvrages de référence, notamment Marseille/Marseilles (1992), Mulhouse, « portraits » d’une ville (1994), Carcérales, pages et images de prison (2001) ou Déliés, une descendance algérienne (2005). Son approche se caractérise par une sociologie du réel assez surprenante, issue en grande partie d’un travail de près de quatre ans aux côtés de la sociologue Chantal Balez, créant une sorte d’« album de famille » des communautés marseillaises qui brise les clichés les plus attendus, sans pour autant fuir la réalité sociale et composite. Il cherche non pas à figurer les diversités de Marseille mais à appréhender, dans un patient travail d’approche, les différentes postures et individualités derrière chaque destin particulier. Car, pour lui, la diversité de la ville est justement la ville. Il fait corps avec l’autre, photographié, non pas pour transformer la réalité mais pour la saisir. Il donne vie, par conséquent, à une présence migratoire qui a trop souvent été vue comme subie par la ville et fait, d’une certaine manière, un travail d’historien-photographe en composant une « galerie d’instants figés » qui peut être regardée comme un livre ouvert sur le Marseille contemporain. Par instants, face à ces photographies, surtout les portraits, on ne sait plus où l’on est. C’est sur cette frontière qu’il travaille, entre ici et là-bas, tout en restant en permanence le témoin des transformations invisibles d’une ville qu’il a faite sienne.

Pascal Blanchard / Achac (2005)


Couverture du livre de Gérard Noiriel Gens d’ici venus d’ailleurs aux Éditions du Chêne
Photo de couverture: Jacques Widemberger

Gérard Noiriel
Gens d’ici venus d’ailleurs
La France de l’immigration, 1900 à nos jours

Éditions du Chêne, 2004

Un Français sur trois compte dans son arbre généalogique un ancêtre d’origine étrangère. Étroitement liée à l’histoire de la France du XXe siècle, l’immigration a tour à tour été l’objet d’aspiration et de refoulement, dans un va-et-vient permanent entre appel à main-d’œuvre et expulsions, accueil républicain et replis xénophobes, intégration et exclusions.

Étrangers que des organismes spécialisés allèrent recruter dans leurs villages d’origine, travailleurs en quête de meilleures conditions de vie, exilés chassés par des guerres ou des régimes dictatoriaux, artistes venus chercher ici la créativité et la liberté d’expression, tous arrivèrent avec dans le cœur l’espoir de rentrer un jour chez eux. Souvent ils firent souche, et participèrent à la vie de la nation, allant jusqu’à mourir pour elle lorsque l’histoire l’exigea.

S’intégrer ou conserver ses différences, maintenir vivant son héritage linguistique et culturel tout en se fondant dans la société française pour donner une meilleure chance à ses enfants, conquérir ou retrouver un « bon » statut social, telles sont les questions qui se posèrent et se posent encore à ces immigrants qui ont aidé à construire la France.

Au travers de plus de 300 photographies noir et blanc, Gérard Noiriel donne à voir cette réalité de l’exil et de l’accueil, ces flux migratoires souvent incompris qui alimentent les fantasmes.

En commentant ces photos prises tout au long du siècle, il brosse un portrait de ces gens d’ici et d’ailleurs, de leurs conditions de vie, de leurs choix face à l’éloignement, et redonne sa vraie place à l’histoire de l’immigration.


Couverture du livre Picturing the Maghreb de Mary B. Vogl
Photo de couverture: Marc Garanger

Mary B. Vogl
Picturing the Maghreb
Literature, photography, (re)presentation

Rowman & Littlefield Publishers Inc., 2003

Picturing the Maghreb critiques photographic and verbales representations, with a focus on four of the most prominent French-language writers of recent decades: Michel Tournier, J.M.G. Le Clezio, Tahar Ben Jelloun and Leïla Sebbar. Despite their acute awareness of the twentieth-century crisis of representation and suspicion of the image, these writers practice ecriture engagee, or activist writing. When combined with the “concerned photography” of certain photographers, this activist writing reframes a picture of Maghreb produced by two centuries of Orientalist misrepresentation. Author Mary B. Vogl evaluates the extent to which these writers’ cross-cultural discourses and images have replaced Orientalist paradigms. In addition to exploring the notion of photography as a metaphor for other sorts of representation, she also discusses the cultural impact of actual photographs from colonial times to the present. Vogl argues that a critical interpretation of images – old and new, visual and verbal – is necessary to move beyond exoticism and Orientalism toward a broader view of ethnic and national identities.

Portrait du Maghreb critique les représentations photographiques et littéraires, en se concentrant sur quatre des plus éminents écrivains de langue française de ces dernières décennies: Michel Tournier, J.M.G. Le Clezio, Tahar Ben Jelloun et Leïla Sebbar. En dépit de leur profonde conscience de la crise de la représentation au XXe siècle et de la méfiance vis-à-vis de l’image, ces écrivains pratiquent une littérature engagée, ou une écriture politique. Lorsqu’elle est associée à la « photographie engagée » de certains photographes, cette écriture politique redessine l’image du Maghreb produite par deux siècles de représentation orientaliste erronée. Mary B. Vogl mesure à quel point l’approche interculturelle de ces écrivains et ces images ont remplacé les modèles orientalistes. En plus d’explorer la notion de photographie en tant que métaphore d’autres modes de représentation, elle analyse également l’impact culturel des photographies de l’époque coloniale à nos jours. Mary B. Vogl soutient qu’une interprétation critique des images – anciennes et contemporaines, visuelles et littéraires – est nécessaire pour dépasser l’exotisme et l’orientalisme, et aboutir ainsi à une vision élargie des identités ethniques et nationales.


Couverture du livre d’Émile Temime France, terre d’immigration aux éditions Découvertes Gallimard
Photo de couverture: Jacques Widemberger

Émile Temime
France, terre d’immigration
Découvertes Gallimard, 1999

L’immigration en France est un phénomène ancien, indissociable de l’identité nationale. Son histoire est une histoire-passion faite d’adhésion à une nation idéalisée mais aussi de déceptions, de rejets et d’affrontements. La Révolution de 1789 a ouvert la patrie de la liberté aux exilés venus de toute l’Europe.

La révolution industrielle et la dénatalité provoquent au milieu du XIXe siècle une immigration de masse, essentiellement européenne, qui perdure jusque dans les années 1960. Mais, au cours des dernières décennies, la nature et les formes des flux migratoires, touchés eux aussi par la mondialisation, ont changé. Beaucoup d’immigrés viennent aujourd’hui d’Afrique et du Sud-Est asiatique. En retraçant les grandes étapes des migrations qui ont marqué notre pays, Émile Temime brosse le portrait de la France, riche dans sa diversité.


Coverture du livre de Michel Verret Chevilles ouvrières aux Éditions de l’Atelier
Photo de couverture: Yves Jeanmougin

Michel Verret
Chevilles ouvrières
Les Éditions de l’Atelier, 1995

À l’heure de la mondialisation, de l’éclatement des statuts, de l’institutionnalisation du chômage et de la défaite des socialismes, peut-on encore parler de classe ouvrière?

Cette interrogation est au centre des recherches de Michel Verret. Rassemblant des textes inédits et des écrits antérieurs, l’une des voix les plus expertes dans ce domaine s’attache à affiner, remodeler, les outils d’une sociologie concrète du monde ouvrier. D’où le titre Chevilles ouvrières. Comme cette cheville, « tige d’assemblage qui sur son axe, joint, maintient, amarre » (Le Robert), la classe ouvrière a-t-elle une place centrale dans le monde populaire si tant est que le peuple reste lui-même axe d’histoire?

Dans ce lent travail de redéfinition qui n’écarte aucune question radicale, le sociologue avance à pas mesuré car la réalité se métamorphose plus vite que les outils scientifiques pour l’interpréter. Michel Verret analyse ainsi les répercussions sur la classe ouvrière de trois mutations cruciales: la mondialisation, la montée de l’individualité, la place nouvelle du temps libre.

Dans un style où la langue sociologique s’enrichit de la puissance anticipatrice de la poésie, l’auteur oblige à regarder l’Histoire en mouvement: la question ouvrière n’est plus seulement celle de l’homme dans l’ouvrier, il s’agit désormais de la question de l’humain dans l’homme.


Couverture du livre de Jocelyne Cesari Être musulman en France, Associations, militants et mosquées aux éditions Karthala-Iremam
Photo de couverture: Yves Jeanmougin

Jocelyne Cesari
Être musulman en France
Associations, militants et mosquées

Karthala-Iremam, 1994

La multiplication des mosquées, le phénomène « beur », la question des banlieues… voilà autant de réalités qui ont contribué à placer l’immigration au cœur des préoccupations politiques françaises. Pour dépasser les préjugés et les passions qui obscurcissent le débat, cet ouvrage présente une analyse permettant de comprendre les comportements des citoyens issus de l’immigration maghrébine. Leur installation définitive sur le sol national s’inscrit dans une double trajectoire: la revendication de lieux d’expression de l’identité musulmane qui n’empêche nullement l’émergence de comportements plus sécularisés. Elle marque aussi l’apparition d’une nouvelle génération d’acteurs sociaux et politiques.

Quelles sont aujourd’hui les différentes manières d’être musulman en France? Comment s’affirme le rapport de ces populations à la citoyenneté et à l’ethnicité? Jocelyne Cesari s’attache à expliquer comment et pourquoi ces nouveaux acteurs se mobilisent aujourd’hui dans l’espace public français. Elle a pris le parti de décrire les paradoxes et les enjeux de leurs multiples stratégies – religieuses, culturelles ou politiques – dans les banlieues de Marseille, aussi médiatisées que mal connues.

En s’appuyant sur un travail d’enquête approfondi, cet ouvrage met en relief la diversité des rapports que la population musulmane entretient avec la société et l’État français. Cependant, il n’y est pas seulement question de Marseille et des musulmans, mais également des profondes mutations politiques et sociales qui affectent la France d’aujourd’hui.


Couverture du livre d’Abdelmalek Sayad, Jean-Jacques Jordi, Émile Temime Migrance : Histoire des migrations à Marseille chez Édisud

Abdelmalek Sayad, Jean-Jacques Jordi, Émile Temime
Migrance: Histoire des migrations à Marseille / 4
Le Choc de la décolonisation (1945-1990)

Édisud, 1991

Marseille est en France au centre d’un débat sur l’immigration que l’on a actualisé au point d’oublier l’essentiel: les contradictions, les affrontements entre communautés sont une permanence de cette ville. Cité-carrefour, cité-refuge, elle est faite de ces apports successifs, qui en font aussi l’originalité et la richesse. Vingt années de recherches et de réflexions permettent aujourd’hui de dresser un bilan exceptionnel et de souligner cette continuité dans ses différentes étapes.

La guerre de 1939-1945 a durement frappé une cité dont l’activité économique s’identifie dans les premières années du XXe siècle à celle du port, et plus particulièrement au commerce colonial. La guerre d’Indochine dès 1946, les mouvements indépendantistes du Maghreb, et surtout la guerre d’Algérie sont ici fortement ressentis.

La présence croissante de travailleurs algériens coïncide avec l’arrivée massive des « rapatriés » d’Afrique du Nord. Le grand exode de 1962 marque le temps fort d’une crise, qui n’est pourtant pas une totale rupture avec le passé. Le paysage urbain change radicalement: la poussée vers l’ouest du port et de l’industrie modifie l’équilibre démographique. Dans Marseille même, l’édification des cités destinées à effacer la lèpre des bidonvilles ne résout pas les contradictions anciennes nées de l’héritage colonial et accentuées par les difficultés économiques.

Une nouvelle fois, la ville hésite sur son destin. Entre l’Europe et la Méditerranée, la vieille cité du négoce subit le contrecoup d’affrontements qui la dépassent. Mais, par-delà les vicissitudes de l’Histoire, cette ville-symbole reste un lieu de passage obligé pour les marchandises, un lieu de rencontres privilégié pour les hommes.


Couverture du livre de Christiane Rimbaud 52 millions d’enfants au travail chez Plon
Photo de couverture: Jean-Pierre Laffont

Christiane Rimbaud
52 millions d’enfants au travail
Plon, 1980

Ils sont cinquante-deux millions, selon les chiffres officiels. En vérité, ils sont sûrement cent, cent cinquante millions à être privés d’enfance. Depuis la révolution industrielle du XIXe siècle, on croyait savoir: l’injustice n’épargnait pas les enfants. On pouvait aussi croire l’abjecte plaie refermée. C’était oublier que le travail des enfants, c’est le monde du silence. Ce livre veut aider à briser ce silence dans lequel on enferme les petites victimes de la misère, du sous-développement et de l’indifférence. Car, de Rio à Los Angeles, en passant par Hong Kong, à l’âge où les autres sont sur les bancs de l’école, « ils » travaillent. Et dur. Dans des ateliers, sur le trottoir, dans la nuit. À la merci d’adultes sans scrupules. Condamnés à des conditions de vie inhumaines. Astreints à des tâches au-dessus de leurs forces. À des travaux dangereux, au péril de leur santé. Le sommet de l’ignoble, si l’on peut graduer l’horreur, est peut-être atteint à Hong Kong où l’on voit de jeunes enfants user leurs jours à fabriquer les jouets de Noël des petits Occidentaux… Ce dossier exceptionnel, implacable dans sa vérité, stupéfiant par les faits qu’il rapporte, est comme la photographie d’un malheur insoutenable. Car ce malheur a le visage d’un enfant interdit de jeux, de bonheur, d’amour et d’avenir. Ce n’est pas l’un des plus minces scandales de notre temps.


Couverture du livre de Pierre Bourdieu La Distinction, critique sociale du jugement aux Éditions de Minuit

Pierre Bourdieu
La Distinction
Critique sociale du jugement

Les Éditions de Minuit, 1979

Classeurs classés par leurs classements, les sujets sociaux se distinguent par les distinctions qu’ils opèrent - entre le savoureux et l’insipide, le beau et le laid, le chic et le chiqué, le distingué et le vulgaire - et où s’exprime ou se trahit leur position dans les classements objectifs. L’analyse des relations entre les systèmes de classement (le goût) et les conditions d’existence (la classe sociale) qu’ils retraduisent sous une forme transfigurée dans des choix objectivement systématiques (« la classe ») conduit ainsi à une critique sociale du jugement qui est inséparablement un tableau des classes sociales et des styles de vie.

[…] L’essentiel est dans la recherche qui, au prix d’un énorme travail d’enquête empirique et de critique théorique, conduit à une reformulation de toutes les interrogations traditionnelles sur le beau, l’art, le goût, la culture.

L’art est un des lieux par excellence de la dénégation du monde social. La rupture, que suppose et accomplit le travail scientifique, avec tout ce que le discours a pour fonction ordinaire de célébrer, supposait que l’on ait recours, dans l’exposition des résultats, à un langage nouveau, juxtaposant la construction théorique et les faits qu’elle porte au jour, mêlant le graphique et la photographie, l’analyse conceptuelle et l’interview, le modèle et le document.